Mélodies en toiles

Somsak Hanumas

Rares sont les ascensions fulgurantes d’artistes qui parviennent à faire l’unanimité.  L’histoire de Somsak Hanumas est frappante mais aussi déconcertante par sa simplicité. Dans l’extraordinaire complexité technique et visuelle de ses toiles, quelque part se trouve l’évidence indiscutable que recherche, au fond d’eux, tous les amateurs d’art.

L’homme …
Né en 1980 à Bangkok, Somsak Hanumas est un autodidacte de la peinture. Il suit les cours de l’Institut Royal de Technologie de Ladkrabang pour devenir ingénieur en informatique, avant de retourner vers sa passion première, celle qui l’anime depuis toujours : la peinture. Il a tout risqué pour se consacrer entièrement à sa passion. Dans son atelier de 9 m2 de Bangkok, Somsak est simplement vêtu d’un short, torse nu, debout devant la toile comme s’il méditait. Il tire son trait avec une rapidité incroyable et une précision extrême. Il porte toujours des bottes en caoutchouc pleines de taches de peinture bariolées qui sont devenues le symbole de son travail. Somsak a appris à peindre par l’expérimentation constante, en jonglant avec les possibilités offertes par la matière autant qu’avec les contraintes de son environnement. Du manque d’espace au problème d’hygrométrie de Bangkok qui rendent le séchage extrêmement long, Somsak le philosophe fait avec ce que la nature lui offre. 

Il travaille toujours en musique, les Beatles, les Rolling Stones, les Doors, Dire Straits ou Pink Floyd résonnent dans son atelier. Souvent, il attribue à ses tableaux des titres de ses morceaux préférés. Cet homme, timide et paisible, jeune marié de 42 ans, qui vient de connaître la joie de la paternité aime les choses simples, la musique, la photo et les voyages.

Sa philosophie …
Il ne conçoit pas sa peinture comme un combat sourd entre l’œuvre et son public mais, sincère et ouvert à l’autre, il accorde autant d’importance à la toile qu’à la personne qui la regarde. Dans la peinture de Somsak, plutôt que de parler d’éloignement progressif vis-à-vis du figuratif, de déstructuration ou de transformation, il est plus juste de parler d’approfondissement, une plongée dans les méandres de la matière et de la couleur. Une phrase de l’artiste explique son cheminement : “Là où s’arrêtent les formes débutent les couleurs, là où s’arrête le regard débutel’Art.” Cette phrase illustre le fait que Somsak Hanumas pense son art avant tout comme une continuité et non en termes de rupture, de choc.  Somsak fait partie de ces rares artistes à faire sauter le verrou qui subsiste entre la chose et sa représentation, entre la chimie et l’émotion, entre l’idée même et son déploiement, sur un banal support en deux dimensions.

Sa technique, sa démarche …
Somsak Hanumas explore les chemins qui furent défrichés par les avant-gardistes qui ont mené la figuration dans la contemporanéité, avec un degré de raffinement quasi-inédit. Son travail méthodique ne laisse pas de place à l’improvisation. Quatre passages au minimum, entendons par là quatre couches structurelles sans compter les ajustements et les finitions, lui sont nécessaires pour donner vie à ces importantes accumulations d’acrylique et de laque. A l’amorce d’une toile, il sait exactement où il compte se rendre au point près. Les lignes, les points, les attaques, les couleurs et leur ordonnancement sur le plan, couche après couche, finissent par former une image unique, le fruit d’une émergence. Somsak Hanumas ne part pas du réel pour fabriquer de l’abstrait mais fait réapparaître le réel au sein d’une trame qui ne le contient pourtant pas en soi. Une démarche unique d’un homme qui a pavé seul sa route.

 Asiart…
La récente explosion de la notoriété de Somsak Hanumas est dû à une rencontre fortuite dans les rues de Bangkok et à un long travail de fond effectué depuis de 15 ans par “Asiart Gallery”, établissement bordelais qui a bâti sa renommée sur sa spécialisation ancienne en arts d’Asie du Sud-Est et en particulier de Thaïlande. Dominique avoue avoir longtemps importé la production d’artistes thaïlandais par goût puis par conviction, parfois contre le sens du marché. Le soudain engouement pour l’un de ses artistes est pour lui une extraordinaire surprise autant qu’un aboutissement logique. Ensemble, ils sont passés des rues de Bangkok à la Biennale de Venise, théâtre de la concrétisation d’une belle collaboration et de tout le travail effectué depuis le début. Aujourd’hui, on retrouve des dizaines de toiles de Somsak Hanumas sur les listes d’achat de fondations telles LVMH, Magrez, Mikati ou encore Wahlroos. De nombreux collectionneurs se sont emparés de cette apparition rafraîchissante au sein du marché de l’art mondial. Les ayants droit Fernand Léger, pour ne citer queux, par amour pour le symbole de continuité historique que cela représente ont récemment fait le pari de Somsak Hanumas.